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Privés de nucléaire

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Fukushima, c’est l’horreur. On est tous d’accord.

Il faut mettre le paquet sur les énergies sûres et, autant que possible, renouvelables. Là aussi, on est tous d’accord. La différence est dans le calendrier : selon certains, on doit arrêter illico tout procédé nucléaire quitte à aller au turbin en canoë-kayak ; reste cependant ouverte la question de l’énergie nécessaire à la fabrication des embarcations. Il y a aussi, à vrai dire, le problème déchirant du choix des matériaux : faut-il massacrer les arbres pour en extraire les coques agiles ? Le débat est lancé.

En attendant que cette passionnante dispute soit vidée, on risque de vivre (si tout va bien) encore un bon moment avec ce Monsieur l’Atome. Et la  question concrète et réelle qui se pose est bien simple : comment éviter que, à forcer de les fissionner à tire-larigot, uranium, plutonium et autre nucleum  nous éclatent à la poire ? Là, on n’est plus d’accord du tout.

La boîte qui « gère », façon de parler, Fukushima est une société privée. Elle s’appelle Tokyo Electric Power Company, mieux connue sous le sigle Tepco, qui fait assez classe, il faut le reconnaître. Or, les autorités japonaises ont mis en cause ce fleuron énergétique depuis 2002, accusé d’avoir falsifié pendant des années les rapports d’inspection sur les réacteurs. On l’accuse également d’avoir caché des accidents nucléaires. Des bagatelles, en somme.

En même temps, avant d’accabler les entreprises du nucléaire, il faut se mettre à leur place. Si l’on dépense des millions pour la sécurité des réacteurs, c’est autant de bénéfices dont on prive les actionnaires. Et si, par la suite, il n’y a pas d’accident nucléaire, ce sera bien la preuve qu’on a jeté du pognon par la fenêtre, ce qui est un scandale. La précaution impose donc de distribuer les bénéfices et prier pour que tout se passe bien. C’est logique. Si au bout du compte il y a une catastrophe, ce sera la faute à Dame Nature, cette garce vicieuse.

A ce propos, un ingénieur a déclaré anonymement au Monde que ce n’est pas une « catastrophe naturelle » que vit le Japon, mais bien une « catastrophe provoquée par l’homme ». Oui, il a raison, mais pas n’importe quel homme : c’est l’homo capitalisticus decerebratus qui a laissé le nucléaire au privé et a mis les fouilles des actionnaires devant les pommes des bonnes gens. Dans un bouquin publié en 2010, le député communiste Hidekatsu Yoshi, un ancien ingénieur nucléaire, avait montré les risques de Fukushima, dénombrant une quinzaine d’incidents entre 2005 et 2009, dénonçant l’exposition des salariés aux radiations, et fustigeant le recours à la sous-traitance.

On ne l’a pas écouté, le bon Hidekatsu. En France, on ne les écoute pas davantage les parlementaires communistes qui dénoncent la privatisation rampante d’Areva, et les risques liés à la sous-traitance mise en place par la droite libéral-foirante qui nous « gère », façon de parler. Mais chez nous, ils se trompent les camarades, bien sûr. Chez nous, la sécurité, c’est du sérieux. Puis Dame Nature l’aime bien, la fille ainée de l’Eglise. On est tranquilles.

Au moment où le pays du soleil levant s’oriente vers la nationalisation de Tepco, au pays où l’on se couche tôt [en France, NDLR] on met en branle la cotation boursière d’Areva. Ça paraît absurde ? Vous n’y êtes pas. Au contraire, c’est logique. Tant que la filière marche bien, on privatise les profits. Quand la catastrophe arrive, on nationalise les dégâts (car il n’y a plus de pognon pour reconstruire les centrales et indemniser les victimes). Après on reprivatisera. C’est du classique. Les banques privées se goinfrent ; la crise financière arrive et l’Etat les sauve en achetant leurs actifs pourris ; les banques recommencent à distribuer les profits et l’Etat se démerde avec la dette. Privatisation des gains, collectivisation des pertes : c’est le capitalisme. Sauf qu’à force de faire joujou avec le nucléaire, il n’est pas sûr qu’il reste un pied pour repartir du bon.

Glop Lerouge

Secrétaire de Section

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Privés de nucléaire

le 13 avril 2011